dimanche 16 mars 2014

De la CUB à « Bordeaux métropole » : la « naissance d’une démocratie métropolitaine » ?

Deux "pointures" pour cogérer la CUB ?
Dans son éditorial du dernier Journal de la CUB, Feltesse annonce la « naissance d’une démocratie métropolitaine ».
C’est que jusqu’à présent les représentants des communes étaient désignés par les Conseils municipaux « au terme d’une cuisine interne dont l’électeur ne sait rien »... dixit Sud-Ouest du 15-02. Désormais, et dès les prochaines élections, chaque liste doit annoncer et soumettre au vote la liste qu’elle présente aux municipales et la liste de ses futurEs éluEs qui siègeront à la CUB. Voilà pour la « naissance d’une démocratie »...

Vers Bordeaux métropole

Et puis elle sera « métropolitaine ». La loi « de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », votée le 27 janvier dernier, rend en effet obligatoire dès le 1er janvier 2015 le passage de la CUB au statut de « métropole » puisqu’elle compte « au moins 400 000 habitants au sein d’une aire urbaine d’au moins 650 000 habitants ».
Une métropole est « un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la cohésion et la compétitivité et de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional... »
Dans les faits et au delà des formules alléchantes, la « métropolisation » consiste surtout à supprimer les « doublons » entre les divers étages des institutions territoriales (communes, Départements, Régions, Etat). Traduction : sous couvert de « modernisation de l’action publique », c’est la réduction des effectifs de fonctionnaires et la concentration des pouvoirs qui sont visés.
Quant à la « démocratie » qui l’accompagnerait, elle relève de la mascarade.

Démocratie de façade

Une des premières conséquences du changement de mode de désignation des représentants des communes sera d’apporter la parité à la CUB, aujourd’hui à 75 % composée d’hommes. C’est tant mieux, mais l’« avancée démocratique » s’arrêtera là.
En quoi, en effet, savoir à l’avance qui est susceptible de siéger à la CUB peut-il donner aux électeurs la moindre possibilité de contrôle supplémentaire sur les décisions qui s’y prennent ?
Quant à la loi de répartition entre les différentes listes des représentants de chaque commune, elle accentue les effets d’une loi électorale [1] faite pour garantir une majorité au maire, tout en faisant barrage aux « petites listes ». A Pessac, qui a droit à 8 représentants à la CUB, les listes minoritaires devront atteindre 25 % des voix pour y avoir unE éluE, et c’est bien pire pour les communes plus petites. C’est seulement pour Bordeaux, avec ses 36 représentants, que le seuil descend aux alentours de 6 %.
Cette « démocratie métropolitaine » à géométrie variable éclaire, pour une part, la stratégie du PCF : liste indépendante à Bordeaux, liste d’union de la gauche à Mérignac, Pessac, etc... Si Vincent Maurin, dont la liste Front de gauche à Bordeaux est créditée de 7 %, peut en effet espérer siéger à la CUB, c’est mission impossible dans les autres villes sans un accord avec le PS là où ce dernier est majoritaire... et à condition d’être en position éligible.
Le PCF se justifie de cette politique au nom du rôle progressiste qu’aurait joué son groupe à la CUB. Pouvoir continuer à agir dans l’intérêt de la population exigerait donc d’avoir des élus, et pour cela, de s’adapter aux contraintes de la loi électorale... Mais « avoir des élus », aussi utiles soient-ils, peut-il justifier de s’allier à ceux dont le chef de file à la CUB, Feltesse, a milité et voté, entre autres, en tant que député, pour l’« accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi » (ANI), un recul inacceptable du droit du travail que le PCF dénonce par ailleurs ?

La fin de la cogestion « droite-gauche » ?

Et quel sens peut avoir l’accord signé par le PS, EELV et le PC pour une majorité de gauche à la CUB, derrière Feltesse, afin de soi-disant s’opposer au retour de la droite à la présidence, en la personne de Juppé ?
Il y a une quarantaine d’années que la CUB, créée à l’initiative de Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, et Sainte-Marie, maire de Mérignac, pratique la cogestion droite-gauche. Juppé s’en est félicité lors du dernier conseil de la CUB, rappelant « le bon travail fait ensemble » lors de l’hommage rendu à Sainte-Marie pour son départ en retraite de maire. Lequel s’est fendu d’un cirage de pompes mettant Juppé et Feltesse sur le même plan : « Nous avons de la chance, ici, d’avoir les deux plus brillants responsables d’agglomération... Ici, nous avons deux pointures »...
Coup de pied de l’âne à son « ami » Feltesse ? Ou message d’un vieux politicien à qui on n’apprend plus à faire des grimaces ? Avec la concurrence qui règne entre les diverses communes, il n’y a pas d’autre fonctionnement possible, de leur point de vue, que la recherche par l’exécutif d’un consensus « droite-gauche », illustré en 2001 par l’élection de Juppé contre Rousset… par une majorité de gauche !
Le phénomène ne peut que s’exacerber avec l’augmentation des prérogatives due au passage en métropole. Sans parler du fait qu’avec leur diminution de 35 à 20, il n’y aura pas assez de vice-présidences pour que chacun des maires des 28 communes ait un fauteuil au Bureau de la CUB... Bordeaux métropole n’a pas fini d’être le siège de « cuisines internes dont l’électeur ne saura rien » !

Une autre démocratie est nécessaire

A la fin de son éditorial, Feltesse fait semblant de croire que cette « démocratie métropolitaine » ne serait qu’un début, disant qu’elle « mérite d’être approfondie »...
Mais c’est d’une toute autre forme de démocratie dont nous avons besoin, aussi bien au niveau des communes que des intercommunalités, permettant à la population et aux travailleurs de décider réellement, avec des représentantEs révocables, éluEs au suffrage universel et sans cumul de mandats.
Daniel Minvielle
(article paru dans Anticapitalistes § n°44, revue mensuelle du NPA33.

Notes

[1] La liste qui arrive en tête aux élections municipales bénéficie d’office de 50 % des sièges auquel s’ajoute une partie du reste, réparti entre les listes au prorata du pourcentage obtenu. Si elle passe au premier tour, la liste qui arrive en tête est assurée d’avoir au moins 75 % des sièges ; au moins les 3/5 s’il y a deux tours. Parallèlement, une liste ne peut avoir d’éluEs que si elle fait au moins 5 % des voix ; dans le cas où il y a deux tours, elle ne peut se maintenir que si elle a fait au moins 10 %. )