Deux "pointures" pour cogérer la CUB ? |
C’est que jusqu’à présent les représentants des communes étaient
désignés par les Conseils municipaux « au terme d’une cuisine interne
dont l’électeur ne sait rien »... dixit Sud-Ouest du 15-02. Désormais,
et dès les prochaines élections, chaque liste doit annoncer et soumettre
au vote la liste qu’elle présente aux municipales et la liste de ses
futurEs éluEs qui siègeront à la CUB. Voilà pour la « naissance d’une
démocratie »...
Vers Bordeaux métropole
Et puis elle sera « métropolitaine ». La loi « de modernisation de
l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », votée
le 27 janvier dernier, rend en effet obligatoire dès le 1er janvier 2015
le passage de la CUB au statut de « métropole » puisqu’elle compte « au
moins 400 000 habitants au sein d’une aire urbaine d’au moins 650 000
habitants ».
Une métropole est « un établissement public de coopération
intercommunale (EPCI) à fiscalité propre regroupant plusieurs communes
d’un seul tenant et sans enclave au sein d’un espace de solidarité pour
élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de
développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de
leur territoire afin d’en améliorer la cohésion et la compétitivité et
de concourir à un développement durable et solidaire du territoire
régional... »
Dans les faits et au delà des formules alléchantes, la
« métropolisation » consiste surtout à supprimer les « doublons » entre
les divers étages des institutions territoriales (communes,
Départements, Régions, Etat). Traduction : sous couvert de
« modernisation de l’action publique », c’est la réduction des effectifs
de fonctionnaires et la concentration des pouvoirs qui sont visés.
Quant à la « démocratie » qui l’accompagnerait, elle relève de la mascarade.
Démocratie de façade
Une des premières conséquences du changement de mode de désignation
des représentants des communes sera d’apporter la parité à la CUB,
aujourd’hui à 75 % composée d’hommes. C’est tant mieux, mais l’« avancée
démocratique » s’arrêtera là.
En quoi, en effet, savoir à l’avance qui est susceptible de siéger à
la CUB peut-il donner aux électeurs la moindre possibilité de contrôle
supplémentaire sur les décisions qui s’y prennent ?
Quant à la loi de répartition entre les différentes listes des
représentants de chaque commune, elle accentue les effets d’une loi
électorale [1]
faite pour garantir une majorité au maire, tout en faisant barrage aux
« petites listes ». A Pessac, qui a droit à 8 représentants à la CUB,
les listes minoritaires devront atteindre 25 % des voix pour y avoir unE
éluE, et c’est bien pire pour les communes plus petites. C’est
seulement pour Bordeaux, avec ses 36 représentants, que le seuil descend
aux alentours de 6 %.
Cette « démocratie métropolitaine » à géométrie variable éclaire,
pour une part, la stratégie du PCF : liste indépendante à Bordeaux,
liste d’union de la gauche à Mérignac, Pessac, etc... Si Vincent
Maurin, dont la liste Front de gauche à Bordeaux est créditée de 7 %,
peut en effet espérer siéger à la CUB, c’est mission impossible dans les
autres villes sans un accord avec le PS là où ce dernier est
majoritaire... et à condition d’être en position éligible.
Le PCF se justifie de cette politique au nom du rôle progressiste
qu’aurait joué son groupe à la CUB. Pouvoir continuer à agir dans
l’intérêt de la population exigerait donc d’avoir des élus, et pour
cela, de s’adapter aux contraintes de la loi électorale... Mais « avoir
des élus », aussi utiles soient-ils, peut-il justifier de s’allier à
ceux dont le chef de file à la CUB, Feltesse, a milité et voté, entre
autres, en tant que député, pour l’« accord sur la compétitivité et la
sécurisation de l’emploi » (ANI), un recul inacceptable du droit du
travail que le PCF dénonce par ailleurs ?
La fin de la cogestion « droite-gauche » ?
Et quel sens peut avoir l’accord signé par le PS, EELV et le PC pour
une majorité de gauche à la CUB, derrière Feltesse, afin de soi-disant
s’opposer au retour de la droite à la présidence, en la personne de
Juppé ?
Il y a une quarantaine d’années que la CUB, créée à l’initiative de
Chaban-Delmas, maire de Bordeaux, et Sainte-Marie, maire de Mérignac,
pratique la cogestion droite-gauche. Juppé s’en est félicité lors du
dernier conseil de la CUB, rappelant « le bon travail fait ensemble »
lors de l’hommage rendu à Sainte-Marie pour son départ en retraite de
maire. Lequel s’est fendu d’un cirage de pompes mettant Juppé et
Feltesse sur le même plan : « Nous avons de la chance, ici, d’avoir les
deux plus brillants responsables d’agglomération... Ici, nous avons deux
pointures »...
Coup de pied de l’âne à son « ami » Feltesse ? Ou message d’un vieux
politicien à qui on n’apprend plus à faire des grimaces ? Avec la
concurrence qui règne entre les diverses communes, il n’y a pas d’autre
fonctionnement possible, de leur point de vue, que la recherche par
l’exécutif d’un consensus « droite-gauche », illustré en 2001 par
l’élection de Juppé contre Rousset… par une majorité de gauche !
Le phénomène ne peut que s’exacerber avec l’augmentation des
prérogatives due au passage en métropole. Sans parler du fait qu’avec
leur diminution de 35 à 20, il n’y aura pas assez de vice-présidences
pour que chacun des maires des 28 communes ait un fauteuil au Bureau de
la CUB...
Bordeaux métropole n’a pas fini d’être le siège de « cuisines internes
dont l’électeur ne saura rien » !
Une autre démocratie est nécessaire
A la fin de son éditorial, Feltesse fait semblant de croire que cette
« démocratie métropolitaine » ne serait qu’un début, disant qu’elle
« mérite d’être approfondie »...
Mais c’est d’une toute autre forme de démocratie dont nous avons
besoin, aussi bien au niveau des communes que des intercommunalités,
permettant à la population et aux travailleurs de décider réellement,
avec des représentantEs révocables, éluEs au suffrage universel et sans
cumul de mandats.
Daniel Minvielle(article paru dans Anticapitalistes § n°44, revue mensuelle du NPA33.